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Rembrandt et Velasquez

1625 : Réddition de la ville de Breda située aux Pays-bas ; ville conquise par les espagnols.

1635 : Réalisation par Velasquez d’un tableau commémorant cet évènement : “La réddition de Breda”.

1639 : Reprise de la ville de Breda par les hollandais

1642 : Réalisation de “la ronde nuit” de Rembrandt

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Rembrandt né en 1609, a 19 ans lorsque la ville de Breda est prise par les espagnols et 30 ans lorsque cette même ville est reprise par les hollandais ; 34 ans lorsqu’il peint “La Ronde de Nuit”.

On peut imaginer qu’il y eut de nombreuses gravures de l’oeuvre de Velasquez “La réddition de Breda”, afin de faire connaître cette dernière par le plus grand nombre d’artistes. Rembrandt, aux Pays-bas, a-t-il pu voir l’une de ces gravures dans sa jeunesse ? Les deux artistes sont contemporains et si l’un vit en Espagne et l’autre aux Pays-bas, l’influence espagnole aux Pays-bas est d’une grande importance. Je me souviens de ma première exposition aux Beaux-Arts de Lyon, j’y étais alors professeur de dessin. J’avais dessiné  à la sanguine toute une série de tableaux de Nicolas Poussin, dessins que j’avais confrontés à des gravures du XVIIe sur l’oeuvre de Poussin. Ces gravures appartenaient au fond ancien de la bibliothèque des Beaux-Arts. L’exposition s’appelait “Regards sur Nicolas Poussin”. Si donc en France au XVIIe on pouvait trouver facilement des gravures sur l’oeuvre de Poussin, il n’est pas impensable qu’il en fut de même en Espagne et aux Pays-bas pour leurs grands artistes respectifs. Il fallait faire circuler les chefs-d’oeuvres et la gravure était le seul moyen pour cela.

L’idée c’est que “La Ronde de Nuit” est une réponse à “La Reddition de Breda”. Réponse plastique certes, mais peut être aussi réponse politique puisque le ville vient de redevenir hollandaise.

Il faut donc regarder les deux tableaux.

Les dimensions et les proportions sont assez semblables et dans les deux cas les compositions se divisent en deux parties : le haut est un grand vide zébré de lances, clair pour la Réddition et sombre pour la Ronde ; et le bas est occupé par les protagonistes qui forment le sujet du tableau. “La Ronde de nuit” fut ainsi nommée au XIXe, parce que les noirs de bitume que Rembrandt avait utilisés ayant virés, le tableau en devint particulièrement sombre. On ne sait pas quel fut le titre de cette oeuvre au XVIIe. Et le sujet n’en est pas aussi déterminé que celui de “La Réddition de Breda”. Certainement la relève de la garde de la milice bougeoise d’Amsterdam ! Mais d’après ce que j’ai lu il y a certaines zones d’ombre. Au centre de ces deux compositions il y a deux hommes : le perdant qui remet les clefs de la ville de Breda au vainqueur, lequel dans un geste de magnanimité lui pose la main sur l’épaule, et dans “La Ronde de Nuit”, deux capitaines qui semblent marcher ensemble pour un instant, si l’on admet que l’un vient remplacer l’autre, ou alors pour tout autre raison. Dans les deux tableaux les sentiments entre les deux protagonistes semblent apaisés.

Donc le haut est vide, clair ou sombre ; indiquant un lointain ou fermé par des murailles et dans les deux cas scandé par des lances positionnées dans la partie droite de l’oeuvre. Quant à la partie basse elle rassemble dans les deux cas une vingtaine de personnages dont deux sont mis en valeur au centre.

Ce qui devient plus intriguant, quand on rapproche les deux oeuvres, c’est le fonctionnement de la lumière : dans les deux cas, dans la partie gauche du tableau et situé sur un plan arrière, une lumière très vive attire l’oeil. Cette lumière creuse l’espace et permet de mieux faire jaillir le premier plan occupé par les personnages centraux. Dans le cas de la Réddition il s’agit d’un homme tout en blanc et dans la Ronde il s’agit d’une petite fille au visage de femme, avec un poulet accroché à sa ceinture ; représentation symbolique, allusion à la perte de son enfant, peu importe ce que Rembrandt y a mis, le rôle plastique de ces deux lumières semble être de la même nature.

L’ombre de la main du personnage en blanc chez Velasquez se retrouve au premier plan dans l’oeuvre de Rembrandt. Le hollandais tend la clef de la ville de Breda, l’un des capitaines porte une lance, deux mises en scène d’objets au symbolisme fort.

Le tambour à droite, dans la Ronde, semble répondre à la petite fille en lumière en créant un mouvement de ronde dont l’axe serait formé par les deux protagonistes au centre de l’eouvre. On retrouve ce même mouvement dans la Réddition mis en place par le cheval de droite qu’on voit de dos comme s’il s’enfonçait dans le tableau et le cheval au fond, près du personnage en blanc, qui pourrait s’avancer vers nous. L’axe de ce mouvement serait alors le couple formé par les deux généraux du premier plan.

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